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Grands moais et ptits pingouins
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5 septembre 2012

No entendí bien… ou la prononciation à la chilienne

prononciation-chilienne

 Chiliens en pleine conversation.

Ah, la prononciation des Chiliens…

Au début on est ignorant-e, diplomate, on fait des efforts. On leur explique qu’on vient d’arriver, qu’on ne parle pas vraiment espagnol, on apprend à dire : « Vous pouvez parler plus lentement et avec des mots simples ? » (parce que les chilénismes – voir article du 28 juin 2011 –, ça n’aide pas).

Et puis on va se promener chez leurs voisins. Les Argentins, par exemple. Là, surprise ! On comprend tout, ou presque. Et ce qu’on ne comprend pas, on peut l’identifier – grande nouveauté –, et en demander spécifiquement le sens (plutôt que de tout renvoyer d’un bloc en disant : « J’ai rien compris. »).

D’accord, ça cheucheute un peu, « cómo te chamas ? » (comment tu t’appelles ?), « aquí tiene la chave » (voilà la clef). Mais une fois qu’on a bien identifié ces « ll » prononcés « ch », qu’on a débusqué quelques conjugaisons exotiques comme « quéres un café ? » au lieu « quieres », « vos » au lieu de « tu », tout est sous contrôle. Le must : on se fait comprendre !

Et alors le passage au Pérou renvoie plus encore l’espagnol à la chilienne dans les limbes du borborygme. Là-bas, l’espagnol est d’une clarté d’eau de roche. Chaque syllabe, chaque lettre est audible. Un vrai bonheur pour l’ego de celui ou celle qui s’évertue à maîtriser l’espagnol depuis deux ans.

Mais à peine passée la frontière, au contrôle de police, pour être précise, c’est terminé. On se croyait bilingue et on n’est plus rien, condamné-e à faire répéter notre interlocuteur deux fois, puis à abdiquer en lâchant dans un murmure : « No entendí. » (Je n’ai pas compris.) Et le policier de vous répondre : « Vous ne parlez pas espagnol ? » Ben si. Enfin je croyais. Enfin chez vos voisins, oui, mais là visiblement, l'elixir ne fait plus effet.

Alors voilà, quand on les connaît bien, nos amis chiliens, et qu’on a (ou qu’on croit avoir) testé leur degré de susceptibilité, on le leur dit franco : « Vous parlez n’importe comment, on ne comprend rien. »

Bé oui. Non parce qu’il faudrait qu’un manuel nous soit livré en même temps qu’on déballe nos fromages devant les douaniers de Santiago pour comprendre que « do mil peso » c’est « dos mil pesos » (deux mille pesos), qu’un rendez-vous « a la do » c’est « a las dos » (à 14h, à ne pas confondre avec « a las doce », – prononcé vous semble-t-il « a la dos », à midi), que les billets de la séance de ciné de 19h sont « agotaaao » (« agotados », épuisés, et la séance, complète, circulez y a rien à voir).

Amis chiliens, articulez donc un peu, boudiou ! Arrêtez de faire sauter les « s » de fin de mots, les « d » des participes passés, les « n » finaux (on a intégré « huevón » mais on entend « wéo »). Sinon, vous pouvez nous dire « no catchaï naa » (tu ne comprends rien), c’est sûr. C’est facile.

Vous voyez les moais de Rapa Nui (l’île de Pâques) ? Vous voyez leur bouche pincée ? Eh bien on dirait que les Chiliens ont relevé le défi de parler en conservant cette moue. Et certains y parviennent : ils s’expriment sans bouger la bouche. Véridique. (Bon, ils sont peu nombreux, quand même, parce que c’est un sacré défi.)

Ce serait drôle si l’immigré-e n’avait pas besoin à son arrivée dans le pays de satisfaire des besoins élémentaires : obtenir un visa, s’acheter un lit, prendre un opérateur téléphonique, être à l’heure pour visiter un appartement, ce genre de détails qui s’apparentent vite à une course d’obstacles au long cours – expression a priori antithétique pour le citoyen lambda, mais terriblement pertinente pour le Franchute fraîchement débarqué.

Bref, apprendre l’espagnol au Chili, c’est un peu comme commencer une dégustation de fromages français avec du munster : ça vous rend a priori totalement imperméable aux mille et une saveurs qui devraient s’offrir à vous, et vous fait remettre en question ce qui vous paraissait une délicieuse aventure.

Mais alors, si vous y arrivez, il y a fort à parier qu’aucun hispanophone de la terre ne vous sera plus jamais incompréhensible (et j’arrête là ma comparaison avec le fromage, qui n'était pas forcément la plus adéquate).

Bref : ánimo ! (courage !)

Spéciale dédicace à ma voisine cheese-cakophile, qui a plongé dans le grand bain.

 

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