Retour à l'exotisme
Concepción vue d'avion, parque Ecuador au loin et fleuve Bío-Bío à droite
Rien de tel qu’un long séjour en France pour vous rendre votre regard de touriste, et révéler l’exotisme disparu au fur et à mesure que tout devenait familier.
Au Chili, ce sera ce mélange étrange d’Amérique du Nord au consumérisme effréné et à la politique ultralibérale qui laisse pas mal de gens sur le carreau, et d’Afrique de la débrouille et des petits boulots, du comme on peut qui fera bien l’affaire. Il frappe à l’arrivée – à Concepción peut-être plus qu’à Santiago – et entaille quelque peu l’image de ce pays présenté comme l’un des plus « développés » d’Amérique du Sud.
En vrac, les attelages de bœufs ou de cheval le long de la route parcourue par de nombreux pick-up, l’affiche du père Noël s’enfilant toujours (on est fin février, tout de même, père Noël) la même boisson qui lui a valu de se parer de blanc et de rouge à grands renforts de publicité, le cartonero qui ramasse les cartons dans la rue pour les revendre, les gardiens dont les journées se passent à surveiller les voitures garées sur le bord de la route, les enseignes Paris, Falabella, Ripley, qui proposent biens de consommation, assurances, cartes de crédit, services bancaires, et côtoient les marchands des quatre saisons, dont les stands de deux mètres carrés se trouvent aux coins des rues du centre ville.
Les quartiers qu’on pourrait qualifier de bidonvilles résistent encore et toujours (non pas à l'envahisseur mais aux secousses et aux intempéries, dans l'apparente indifférence de l'État), avec leurs bicoques de bric et de broc, aux tôles on ne peut moins efficaces contre le froid et surtout l’humidité qui fait l’hiver du sud du Chili.
Les façades défraîchies à quelques rues du centre de Conce laissent penser que la ville ne prend guère soin d’elle au-delà de la plaza de Armas.
La ville étripée exhibe ce qu’on cache ailleurs : les câbles électriques pendouillent, parfois à hauteur de piéton. Il va sans dire qu’ils traversent également les carrefours, et gare au camion dont le chargement icarien se prendrait dans la toile.
Câbles électriques ordinaires dans une rue de Concepción
Non, la ville n’a toujours pas pris en main les kiltros, ces chiens errants sans maître (voir article du 28 février 2011) qu’on croise dans tout le pays. Ils traversent la rue seuls ou en meute, dorment au coin d’une boutique. Vous les croiserez encore au détour d’une cuadra (un pâté de maison dans cet univers quadrillé), ils vous suivront sur des kilomètres pour peu que vous ayez quelque chose de comestible à la main (condition non indispensable).
Revenir à Conce, c’est aussi retrouver... ces secousses qui ne vous manquaient pas (voir article du 3 août 2010). Dans le pays le plus sismique du monde, pouvait-on vraiment s’attendre à ce qu’elles disparaissent, même si ça semblait être le cas depuis quelques mois ? Les géologues expliquent que l’énergie contenue dans les failles doit se libérer. Mieux vaut qu’elle sorte donc à petites doses et régulièrement plutôt qu’à la manière d’un gros coup de colère. Soit. Demain c'est l’anniversaire du 27/F. Vous vaudra-t-il une piqûre de rappel, comme l’an dernier ?
Dans les chaumières, retrouvailles avec la douche à la température incertaine : glaciale, puis bouillante, puis glaciale, etc., jusqu’à épuisement de la patience du combattant pour la propreté, qui renoncera en revanche au réconfort de l'eau chaude.
Votre regard ne croisera guère de librairies, bibliothèques, brochures déroulant l’agenda culturel de la deuxième ville du pays… ce qui ne signifie pas qu’il ne s’y passe rien, loin de là, mais qu’il faut être motivé pour se tenir au courant, et apprendre l’existence d’un événement avant qu’il ait eu lieu.
Comment ça, la déprime guette ? Attendez, ne sentez-vous pas dans l'air comme…
50 % d’humidité, du melon, des pastèques, des gens en t-shirt… Vous voici prêt-e à tout pardonner : au Chili, c’est l’été !
Dédicace en forme de pensée émue pour nos compatriotes couverts de fromage et de séances de cinéma, mais qui se les gèlent (chaque hémisphère son tour).